Ce ne sont pas des créateurs qui inventent la tendance. La tendance part de ce que ressent l’humain à un moment donné, et de ses comportements. Repérer les tendances, cela s’acquiert par l’expérience, mais c’est surtout une question de sensibilité. Observer et analyser tout ce qui nous entoure h24 est une habitude : expo, shopping, magazines, articles. Mais aussi observer les gens dans la rue, ce qu’ils consomment, comment ils vivent. Cela peut aussi être observé dans un motif, une couleur, quelque chose qui ressort, chez soi ou à l’autre bout du monde. Ensuite on mélange ces données et on en sort les conclusions, ce qui définit la tendance.
La tendance (ré)confort colle à l’actualité. Les gens ont envie d’être bien chez eux. La pandémie et le confinement ont renforcé l’idée d’être bien à la maison. C’est l’endroit où l’on se ressource, notre pilier, notre repère, et le reflet de notre intérieur à nous. On y passe beaucoup de temps, et on se rend compte du lien intime et de l’attachement que l’on a avec son cocon. L’extérieur est perçu comme hostile avec le port du masque et les microbes dans l’air. Alors que chez soi, c’est la pureté. La tendance est de prendre soin de notre santé en consommant des produits naturels, bio, se soigner en mangeant sainement, pour prendre soin de l’intérieur de notre corps, et que cela se ressente à l’extérieur. Pour l’intérieur de notre maison c’est pareil : on veut prendre soin de notre « intérieur » pour apporter davantage de bien-être et se respecter soi-même.
On ne sort plus forcément de chez soi pour s’oxygéner, on fait tout pour pouvoir s’oxygéner à la maison également.
Le confort est devenu un élément primordial : il est au centre de tout. L’objet et la déco ne sont plus des éléments d’apparat mais plutôt des éléments au service de l’humain. Le confort n’est donc plus uniquement visuel (formes), il est aussi sensoriel et sonore. Le confort acoustique est aussi important que le toucher rassurant et protecteur. Même l’odorat est stimulé par des senteurs, bougies parfumées et parfums faisant l’effet de madeleine de Proust, pour rappeler les bons moments d’enfance. La déco ornementale et visuelle est passée au second plan.
On veut la vivre, la toucher, elle est devenue ultra sensorielle. Tout est dans la tendance du matelassé, le fait main, le tissu bouclette, les lainages, l’oversize, les formes généreuses et rondes, et tout pour « être bien ». Le mobilier et les objets deco s’arrondissent, et se remplissent. On a de la matière et moins c’est parfait dans la forme, plus c’est organique et proche de la nature et du cocon où chacun se trouve bien.
Cette tendance vient au départ des 70’s. Depuis quelques saisons, on ressent une tendance à s’inspirer de cette époque. Cette décennie baignée d’insouciance rend nostalgique la plupart d’entre nous, et apporte une plénitude dans le style. La générosité de cette époque se ressent très fort dans les matières utilisées, et les formes. La déco rigide se retourne pour laisser la place à un peu d’impertinence et de liberté.
La conception même de l’habitat est en train d’évoluer. Antti Lovag avait tout compris avec le Palais Bulle, que Pierre Cardin affectionnait tant. Il ne se considérait pas comme un architecte, mais comme au service de l’humain, était très centré sur « l’humain » et a conçu cet habitat comme une enveloppe autour des besoins de l’homme. Il influence les créateurs d’aujourd’hui à penser que ce sont les besoins qui déterminent la forme et non l’inverse. La sphère et l’arrondi s’enchevêtrent dans les trois dimensions pour créer des grottes, propices à la créativité, l’imagination ayant moins de limites. Cet état d’esprit inspire fortement les créateurs de design et d’objets. Les maisons de rêve sont vues comme complètement intégrées à la nature, à la roche, sans forme. Mais dans nos volumes faits d’arêtes, on a envie de créer de la rondeur pour casser la rigidité et se rapprocher de cet aspect organique. Cela se retrouve donc dans la décoration et les objets.
On a aussi une autre approche par rapport au sol. On aime retirer nos chaussures : on adore le chauffage sol, on a envie de sentir les tapis, les matières bois, les textures. C’est le grand retour de la moquette épaisse… plutôt claire. Outre l’aspect sensoriel, cela améliore l’aspect sonore.
Le mobilier est arrondi, plein, généreux. Les assises sont accueillantes et garnies partout : posées de façon décontractée contre le sol, sans pieds. On veut chiller, monter dessus, se vautrer, et le canapé est un objet « à vivre ».
Les tables basses se rapprochent du sol également, et elles sont plus petites, modulables.
Les gens préfèrent quitter la ville pour aller vivre à la campagne, au vert. On veut une maison accueillante, confortable, des couleurs qui se rapprochent de la nature. La maison devient un cocon, un élément ultra protecteur. On a envie que tout soit ultra cosy, avec une déco rassurante et douce.
Du côté des couleurs, on est toujours dans les bases neutres. Elles sont toujours relevées par le bois, hyper présent sur toutes les surfaces. Les teintes sont naturelles et chaudes. Les écrus et les bruns sont rythmés par des teintes naturelles qui apportent un peu de style et toujours une influence naturelle. Le terracotta et le vert ont toujours la cote.
PAR CAROLE GUYOT – SOHOO