


Quand la maladie frappe, elle bouleverse tout : le corps, le quotidien, l’intimité, l’image de soi. Derrière la violence des traitements, des cicatrices et des pertes, il y a pourtant des femmes qui choisissent, pas à pas, de se réapproprier leur sensualité et leur force.
Nadia Anounou, 42 ans aujourd’hui, vit en Région flamande et fait partie de l’association ByAmel. Elle a accepté de témoigner avec une sincérité désarmante sur ce chemin de réconciliation.
« Quand on m’a annoncé mon cancer du sein en 2017, ma fille venait d’avoir quatre ans. Je n’ai pas pensé à la fatalité, mais à elle, et à ma foi. » À 35 ans, Nadia tombe de haut : « Je croyais que ça ne touchait que les femmes d’une cinquantaine d’années, c’est ce que l’on m’avait dit. On ne m’avait jamais parlé de dépistage, je ne faisais pas d’autopalpation. C’est mon mari qui, un soir, a senti une masse dans ma poitrine… »
Dès lors, tout s’enchaîne. « Gynécologue, oncologue, chimio néoadjuvante pour réduire la tumeur, mastectomie, radiothérapie… On est emportée dans un rouleau compresseur. On n’a pas le temps de réfléchir, juste celui d’espérer. »
La chute des cheveux, la perte des cils et des sourcils, les ongles qui s’abîment… «On ne nous dit pas assez comment anticiper tout ça. À l’époque, je n’avais jamais entendu parler des gants réfrigérants pour protéger les mains ni des casques pour ralentir la chute des cheveux. On se sent seule, obligée de chercher par soi-même.» Et puis il y a l’opération qui vous tombe dessus si la chimio n’a pas été assez invasive.
« Le jour où l’on m’a annoncé la mastectomie, c’était une semaine avant. Je me disais : ce n’est qu’un sein. Mais au fond, c’était une amputation. J’ai eu peur du regard de mon mari, de celui de ma fille, peur du rejet. Heureusement, il a été extraordinaire. Pour nous, ce premier rapport intime après l’opération a été comme une nouvelle première fois, pleine de douceur et d’apprivoisement. » Pour franchir un nouveau cap, Nadia mettra un an avant d’oser porter un maillot de bain sans prothèses : « Je n’avais pas honte, mais il fallait apprivoiser ce nouveau corps. »
Une fois les traitements lourds terminés, on entre dans une autre phase : celle du suivi.
« Les rendez-vous de suivi continuent, d’abord tous les trois mois puis tous les six mois. Mais en dehors de ces contrôles médicaux, le quotidien redevient silencieux. Pas de guide pour trouver un chirurgien, peu d’explications sur la reconstruction, presque aucun accompagnement pour reprendre une vie “normale” »
Pour elle, ce fut une reconstruction par lambeau du ventre (DIEP flap). « C’est lourd, c’est long, mais c’est aussi un pas pour se retrouver. Pourtant, même après ça, on ne ferme jamais vraiment la page. La récidive est une épée de Damoclès permanente. Il faut apprendre à vivre avec et il y a des jours où c’est moins évident que d’autres. De nature optimiste, je m’accroche à la vie et aux petites choses du quotidien qui font du bien, comme le sourire sur le visage de ma fille ou ses éclats de rire »
C’est là qu’interviennent les petits gestes du quotidien. « Les sourcils qu’on retrace, les massages qui soulagent pendant les chimios, les groupes que l’on trouve sur Facebook avec des personnes « comme nous » qui nous permettent d’aller de l’avant… Tous ces détails que l’on apprend pour retrouver sa féminité, ce sont de nouveaux rituels de beauté, de bien-être qui aident à se réconcilier avec soi-même. »
La lingerie, notamment, devient également une alliée précieuse. « Quand on a été opérée, certaines marques proposent des modèles pensés pour accueillir une prothèse ou sublimer une poitrine asymétrique. C’est important de se sentir femme, désirable, même après. »
6 ans après, Nadia vit avec des douleurs articulaires dues à l’hormonothérapie : « Mon corps est fatigué, je me sens parfois vieille. Mais je suis là !! Je savoure ma chance d’élever ma fille, de partager la vie avec mon mari, ma famille et mes amis. Quand j’entends des gens se plaindre du mauvais temps, j’ai envie de leur crier : si c’est ça ton problème, alors tout va bien pour toi ! »
Aujourd’hui, elle a choisi d’apporter son expérience aux autres en rejoignant l’association ByAmel, qui organise des séances de sensibilisation et des activités de soutien psychosocial. « Je veux être comme une grande sœur de combat, aider celles qui traversent la tempête. »
Nadia tient à rappeler un geste essentiel : « Palpez vos seins et vos aisselles une fois par mois, de préférence après les règles. Si vous sentez une grosseur ou un changement de peau, consultez vite. Ça peut vous sauver. »
Et pour celles qui sont dans le combat aujourd’hui: «N’ayez pas peur de demander de l’aide que ce soit pour préparer des repas ou vous accompagner aux rendez-vous. Ne vous isolez pas. Continuez à vivre votre quotidien autant que possible, à emmener vos enfants à leurs activités, à parler de ce que vous traversez. La maladie n’enlève pas qui vous êtes. »
Pour prendre le dessus sur ce périlleux vécu, Nadia s’est fixé un défi de taille : le trek solidaire Rose Trip au Maroc en 2026 durant 3 longues journées. «Avec ByAmel, nous lèverons des fonds pour soutenir les femmes atteintes du cancer du sein. Ce sera une marche, une sorte de thérapie, de réconciliation avec moi-même, mais aussi une victoire sur cette maladie ! Pour nous les filles, pour nous les femmes… parce qu’ensemble on est plus fortes. »
De ces mots qui chamboulent une vie à la cicatrisation, des peurs intimes aux nouveaux rituels de la vie, la réconciliation avec son corps après la maladie est un chemin particulièrement dénivelé. Des bas, des hauts, on trébuche, on se relève… mais jamais on ne baisse la garde. Nadia en témoigne avec force : on peut retrouver son image, sa vie de femme. Différente certes, plus forte certainement, et même en période de doutes souriante et lumineuse.
Note personnelle : Merci Nadia, pour ce partage intime, empreint d’une émotion qui s’est clairement invitée dans notre conversation. Ayant perdu ma sœur d’un cancer du foie, il est bon d’entendre que tous les combats ne sont pas vains ! Le cancer du sein est un cancer éprouvant qui n’est pas à minimiser soit prévoyante, bien entourée et que l’on ne minimise pas la palpation…
À vous toutes qui vivez ce combat, je vous admire… admirez-vous aussi !
À vous qui vivez à leur côté, soyez présent et acceptez leur rythme sans être oppressant.
Marielle Botty – STRATAG’M