

Il y a des combats que l’on ne choisit pas, des tempêtes qui s’invitent dans la vie et qui bousculent tout sur leur passage. Le cancer en fait partie. Quand la vie bascule, que les habitudes se redessinent, que les relations prennent une autre dimension, on découvre une force insoupçonnée, des refuges inattendus et un soutien qui réchauffe. Nous ne sommes pas là pour donner des leçons de courage, mais pour rappeler qu’au cœur de l’épreuve, il existe encore de la lumière.
On les appelle “héros” et pourtant ils possèdent des pouvoirs bien différents de ceux des films. Les personnes qui luttent contre le cancer n’ont ni cape, ni bouclier, mais bien une force invisible, discrète et pourtant tellement immense. D’abord, il y a cette nouvelle façon de savourer l’instant présent. Chaque geste du quotidien prend une dimension particulière : le parfum du café du matin, un rayon de soleil qui traverse la fenêtre, le rire d’un enfant, un repas partagé qui devient festin rien que par la présence de l’autre. Ce qui passait inaperçu hier devient un trésor aujourd’hui. Ensuite vient l’art de la patience. Attendre dans les couloirs d’hôpital, supporter les examens répétés, accepter le rythme imposé par les traitements et subir les effets secondaires… Cette patience n’est pas passive: elle devient une forme d’endurance, une capacité à traverser les heures et les jours avec constance, même quand ils semblent interminables.
Il y a aussi la résilience émotionnelle : affronter les incertitudes, les erreurs parfois, traverser les jours, certains plus difficiles que d’autres, trouver un motif d’espoir malgré tout, et essayer de prendre les choses avec dignité même quand le cœur se brise.
Ces super-pouvoirs ne rendent pas invincibles, mais ils permettent d’avancer, un pas après l’autre, avec une détermination qui force l’admiration. Et peut-être, est-ce là le courage le plus authentique: celui qui se vit sans bruit, dans les détails du quotidien.
L’aspect médical du cancer est souvent bien expliqué et connu de tous, du moins vaguement : les traitements, leurs effets secondaires, le suivi médical. Mais l’impact émotionnel, social et psychologique, lui, on n’en parle pas ou peu !
La fatigue, par exemple, n’est pas un simple manque d’énergie: elle peut être profonde, durable, et influencer chaque geste, chaque décision de la vie. Les relations, elles aussi, changent. Certaines se renforcent, d’autres s’effacent. Ce n’est pas toujours le reflet de l’affection des uns ou des autres, mais plutôt la conséquence de la difficulté qu’éprouvent certains à trouver la bonne façon d’être présents. Peu de gens savent que poser ses limites est essentiel: refuser certaines visites, éviter les conversations trop lourdes ou se protéger des phrases toutes faites comme “Il faut rester positif” ou “Tu vas t’en sortir”. Respecter la personne malade, ça passe aussi par respecter ses envies, ses besoins, mais également son rythme et ses silences. Et ça, c’est une marque de soutien plus précieuse qu’on ne l’imagine.
Au milieu de la tempête, il existe des instants précieux où la maladie ne dicte plus le rythme. Ces instants où la maladie s’efface un peu pour laisser place à la vie sont vitaux ! Ils sont les petits espaces où l’on se recharge.
Parfois, c’est un massage qui dénoue les tensions, un bain chaud qui enveloppe, une promenade au soleil qui reconnecte à la nature. Parfois, c’est une chanson qui apaise, un livre qui transporte ailleurs, ou une série légère qui fait oublier le temps. Comme des parenthèses enchantées, ces moments n’effacent pas la réalité, mais ils lui donnent moins de place, le temps d’un instant.
Prendre soin de soi devient alors un acte de résistance. Offrir à son corps douceur et repos, c’est lui rappeler qu’il est plus qu’un champ de bataille. C’est aussi un moyen de réaffirmer que, malgré ce que l’on vit, il faut pouvoir faire exister les espaces pour savourer la vie.
Être aux côtés d’une personne malade, c’est un art subtil, parfois fragile. On voudrait bien faire, mais comment trouver la juste présence sans alourdir davantage le quotidien déjà chargé? Voici quelques conseils:
Apprenez à écouter. Pas pour trouver une solution miracle — elle n’existe pas — mais pour laisser un espace où les émotions peuvent se dire, ou rester silencieuses. Parfois, ce silence partagé vaut mille discours. Un regard attentif, une main posée sur l’épaule peuvent transmettre plus de réconfort que des phrases toutes faites.
Les gestes qui comptent : Préparer un repas simple, mais réconfortant, remplir le frigo sans rien dire, déposer une boîte de biscuits maison sur le pas de la porte, proposer de raccompagner après un rendez-vous médical… Ces attentions pratiques soulagent sans envahir. Allégez son quotidien : être présent, c’est aussi continuer à parler de la vie “normale”. Partager une anecdote amusante, un souvenir, un ragot. La maladie occupe déjà trop de place: elle n’a pas besoin d’être le centre de toutes les conversations.
Accorder le droit à l’imperfection: autorisez-vous à être imparfaits. On peut se tromper, être maladroit, ne pas savoir quoi dire. Ce qui compte, c’est la sincérité, pas la perfection. Parce qu’au fond, ce qui réchauffe le plus, c’est de sentir que l’autre est vraiment là, avec son cœur et sans jugements.
Le cancer n’est pas un chemin que l’on choisit. Mais il révèle que nous ne marchons jamais vraiment seuls, même si le chemin est semé d’embûches. Chaque sourire reçu, chaque main serrée, chaque geste tendre construit un filet invisible qui nous empêche de tomber. Tenir bon, ce n’est pas toujours avancer vite. Parfois, c’est juste tenir debout, un jour après l’autre. Et ensemble, c’est toujours plus facile.
À tous ceux qui traversent cette épreuve : sachez que même dans la nuit, il y a des éclats de lumière. et que parfois, ces éclats se trouvent dans les yeux de ceux qui nous entourent.
Marielle Botty – STRATAG’M