
Après plus d’un siècle d’absence, le loup peuple à nouveau notre région. C’est, aujourd’hui, une réalité. Mais, est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?
Le Grand méchant loup, le loup-garou, la Bête du Gévaudan… sont autant de clichés qui jouent en défaveur de l’ancêtre de tous les chiens. Domestiqué il y a 35 000 ans, adulé par les Celtes et les Gaulois, le loup s’est vu diabolisé au Moyen Âge.
La rage, cette terrible maladie, fut vite associée aux forces du Mal, à une époque où la science ne pouvait l’expliquer. La religion en fit l’incarnation du Diable. Les pouvoirs successifs avaient diabolisé le loup devenu l’ennemi commun, contre lequel la population se dressait. Cette chasse institutionnalisée, provoqua la disparition de l’espèce à la fin du XIXe siècle. Dans les faits, face à une meute de quarante loups, l’homme ne risque absolument rien.
Le loup régule les populations d’herbivores. Contrairement au chasseur, ce grand carnassier ne cherche pas le trophée. Il élimine les animaux malades et les plus faibles. En cela, le loup peut être considéré comme un auxiliaire des chasseurs. La présence du loup oblige ses proies potentielles à se déplacer plus régulièrement, évitant, par la même occasion, la destruction des jeunes pousses d’arbres. Il est donc l’allié des sylviculteurs. En Slovaquie, le loup aurait contribué à l’éradication de la peste porcine, par l’élimination des sangliers malades.
Opportuniste, le loup peut s’en prendre aux animaux domestiques. Autrefois, les bêtes étaient gardés et regagnaient l’étable pour la nuit. Aujourd’hui, c’est loin d’être le cas, car la main-d’œuvre se raréfie dans les campagnes, il n’existe plus de berger itinérant et les moutons et les chèvres sont rarement rentrés à l’abri. Le loup, qui est naturellement revenu chez nous via l’Italie et l’Allemagne, ne s’adaptera jamais à l’homme. Les troupeaux restent vulnérables, car la domestication a atténué leur capacité naturelle à la fuite. Les autorités ont mis en place un « Plan Loup » afin de répondre concrètement à la prédation du loup. Les éleveurs bénéficient de soutien pour l’achat de clôtures électrifiées, de chiens de troupeaux et de dédommagements en cas d’attaque avérée. Ceci ne retire en rien l’impact émotif que ressent un éleveur face aux résultats d’une attaque.
Une dizaine de loups ont élu domicile chez nous. Les couples se forment et des louveteaux naissent chaque année. Victimes du trafic routier, de la faim, du froid en hiver et du braconnage, 80% des jeunes loups en dispersion sont condamnés à disparaître. En raison de l’absence de grands gibiers et de la présence de nombreux chevreuils, il est très improbable que des meutes importantes se forment. Le risque est donc assez faible de voir le loup proliférer au-delà d’un nombre raisonnable d’individus. En Pologne, dans les vastes forêts peuplées d’ours, de bisons ou d’élans, des meutes d’une quarantaine de loups subsistent.
L’auteur de cet article réside dans la région et se rend régulièrement dans d’autres pays européens pour observer les loups, les ours, les lynx et leurs proies. Il étudie les relations entre les grands prédateurs et les hommes. Ses recherche sont récemment débouché sur la publication de beaux livres richement illustrés. «Au Loup! Ami ou ennemi?» et «Sur la piste de l’Ours» (www.weyrich-editions.be). L’auteur propose des conférences illustrées sur le loup, mais aus- si sur les grands prédateurs d’Europe. (Contact : loupourslynx@gmail.com)
XAVIER VAN DER STAPPEN